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Pour une histoire de piment, une femme enceinte meurt des suites des coups lui assénés par son mari au niveau du bas ventre. Les dames du village manifestent et exigent que le présumé meurtrier soit lapidé à mort. La  justice populaire allait exécuter la sentence n’eussent été les promptes interventions des autorités. Ce crime rouvre les débats sur les violences  domestiques dans le territoire insulaire d’Idjwi en plein lac Kivu et dans toute la Rdc.  

Byamungu Runyezi (31 ans)  habite le village Buhumba du territoire insulaire d’Idjwi et pêche dans le lac Kivu. Le jeudi 29 octobre vers 20 heures, il rentre chez lui et demande bonnement la nourriture à son épouse Asifiwe âgée de 21 ans et mère de deux enfants. La ménagère met vite le repas sur la table. Le chef du petit foyer demande du piment. La conjointe court chercher ce condiment dans le potager familial mais rentre sans solution. La voisine a cueilli tous les piments qui fleurissent la plantule.  Byamungu pique une grande colère et une rage soudaine. Il se met à assener des coups  brutaux au niveau du bas ventre d’Asifiwe enceinte. Celle-ci se tord des douleurs et se met à crier pour appeler au secours. Les voisins accourent, la trouvent suffocante et l’évacue d’urgence au centre de santé de Kasihe. 7 heures plus tard, aux petites heures du vendredi 30 octobre, Asifiwe rend l’âme.

Que le présumé meurtrier soit lapidé à mort

La mauvaise nouvelle se répand vite comme une traînée de poudre. Les femmes de Buhumba manifestent une colère indicible et exigent que le présumé meurtrier soit lapidé à mort. La  justice populaire allait exécuter la sentence n’eussent été les promptes interventions des autorités.

Ces dames affirment qu’elles allaient recourir à la justice populaire parce que la police ne s’intéresse pas aux violences conjugales même si les plaignantes portent des blessures physiques ou présentent des traces de maltraitance. D’après elles, il ne suffit pas seulement d’adopter de lois de protection de la femme, mais de prendre  les mécanismes d’application, notamment de rendre les procédures judiciaires accessibles et adaptées aux situations des femmes qui restent dépendantes des conjoints auteurs des violences domestiques.

Les amis et membres de la famille  de la victime des actes des violences conjugales  demandent aux femmes de garder silence. Ces dames respectent la consigne et n’ont d’autre  alternative que de rester avec leurs maris qui les battent régulièrement. Et pour causes : « les hommes contribuent de façon essentielle à leur sécurité financière et sociale, ou à la satisfaction de leurs aspirations matérielles”. Ces normes culturelles placent les femmes en situation d’infériorité par rapport à leurs maris ou aux autres hommes. Les femmes sont alors “sous-évaluées, non respectées et risquent de subir la violence de leurs homologues masculins”,  fait observer un rapport du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (Unifem) publié en 2003.

Plus des violences domestiques que des caresses conjugales

Entretemps, la stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre mentionne les violences domestiques, mais ne prévoit aucune mesure à ce sujet. Pourtant, une enquête réalisée en 2014 par le gouvernement de la RDC présente un tableau inquiétant. Depuis l’âge de 15 ans, 52% des femmes ont subi des violences physiques et le mari/partenaire est cité comme l’auteur de ces violences dans 67,9% des cas. 53% des femmes en union ou l’ayant été ont subi des actes de violence conjugale, physique  ou sexuelle et 75 % des femmes les trouvent justifiées. Parmi les femmes en union, la proportion de celles qui n’ont cherché aucune aide et qui n’ont parlé à personne est plus élevée que parmi les autres femmes. Il est difficile pour une femme battue par son mari de porter plainte sans craindre des représailles, cette forme de violence n’étant pas perçue en tant que telle par la société.

L’Etat ne dispose pas de mécanismes spécifiques de protection des survivantes de violences domestiques et celles-ci risquent de se heurter aux obstacles auxquelles sont déjà confrontées les survivantes de violences sexuelles dans leur recherche de justice, notamment l’absence de cellules judiciaires spécialisées travaillant sur ces violences et de mesures adaptées à leurs besoins spécifiques. Des juges se sont par exemple montrés réticents à prendre des mesures de protection de base, comme retirer le nom des survivantes de violences sexuelles des dépositions, ou ne pas lire leur nom pendant les  audiences

Claudine Lumvi

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