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Le gros baobab de musique congolaise, Lutumba Simaro Masiya, tombe. Il remet sa guitare et ses œuvres  au musée national. Il lègue son âme à la postérité. Ce guitariste talentueux et poète compositeur ne mourra jamais. Le guitariste et auteur  compositeur prolifique, Lutumba Ndomanueno  Masiya, plus connu sous le nom de Simaro, décède, le 30 mars 2019, à Paris, à l’âge de 81 ans. Il tire sa révérence et met ainsi fin à 63 ans de carrière artistique fructueuse. Sa dépouille devrait arriver le 30 avril à Kinshasa et son inhumation intervenir le 5 mai au cimetière Nécropole entre terre et ciel.

Guitare et œuvres gardés au musée national

Une année auparavant, le 19 mars  2018, ce virtuose de la guitare fête  son anniversaire et souffle 81 bougies. Il décide de décrocher définitivement  de l’art d’Orphée. Il dépose  officiellement sa guitare au musée national. Il suggère aux autorités de rebaptiser l’avenue Mushie dans  la commune de Lingwala où il réside  du nom de Lutumba Simaro. Il  remet symboliquement un échantillon du coffret de 1 000 chansons contenues dans son répertoire global de plus de 3 000 oeuvres au ministère de la Culture. Le monde musical peint le poète Lutumba comme un formateur et un mobilisateur qui abordait les thèmes de la vie en mettant un accent particulier sur les valeurs humaines dont le respect de la vie humaine, du bien commun, de l’autre et de la société.Il rejetait les antivaleurs et les travers de la société. Il refusait des chants obscènes et toute sorte d’immoralité.

Emouvante soirée d’adieu

Les Sud-Kivutiens lui reconnaissent  ces qualités. Le ressortissant de Bukavu vivant à Kinshasa, Jean de Dieu Korongo avoue  n’avoir pas retenu ses larmes lors des cérémonies d’adieu de Simaro dans une soirée Vip de jubilé d’or organisée au Shiwbuzz. «Le poète Lutumba annonce sa décision de quitter la scène musicale. L’émotion est à son comble. Des pleurs retentissent dans la grande salle. Le bouleversement est immense », témoigne-t-il. Des centaines des mélomanes  reconnaissent que ce guitariste talentueux est un compositeur exceptionnel,  que l’ancien sociétaire  du TP OK Jazz de Luambo Makiadi et leader du Groupe Bana OK a fait  la pluie et le beau temps jusqu’à  clôturer sa carrière musicale de la manière la plus honorable. Des tweets envahissent la toile pour  rendre des hommages au vieux Simaro. Les leaders du pouvoir et de l’opposition, activistes de la société  civile, hommes d’affaires, responsables  religieux et jeunes entrepreneurs griffonnent indistinctement des messages. Les Martin Fayulu, Matata Mponyo, Moise Katumbi, Vital Kamerhe et d’autres citoyens congolais ne se le privent pas.

La longue complicité entre Franco et Simaro

Lutumba Simaro est né le 19 mars  1938 à Kinshasa. Il travaille pendant  un temps à la Société d’entreprise commerciale du Congo Belge (Sedec) avant de s’initier à jouer la guitare auprès d’un compatriote, un certain Kalonji, adepte du « zebola », un rythme et une danse des cérémonies d’exorcisme du peuple Nkundu de l’ancienne province de l’Equateur. A 20 ans, Simaro joue professionnellement à la guitare rythmique  dans l’orchestre Micra Jazz durant un an et rejoint le Congo Jazz de Gérard Madiata avec lequel  il enregistre « Simarocca »’, un titre passé inaperçu. Il s’illustrera avec ‘‘Muana etike’’ et ‘‘Lisolo ya ndaku’’, deux compositions teintées  de spiritualité. Sa popularité  naissante arrive aux oreilles de Franco Luambo Makiadi et de l’OK  Jazz qu’il rejoint en 1961. Simaro y apporte sa touche : une technique  de guitare inspirée du zebola, de la  rumba, du jazz et de l’afro cubain ainsi que des chansons poétiques et éducatives.  A la sortie de « Okokoma mokristo » en 1969 et « Ma Hélé » en 1970, deux chansons moralisatrices sur l’amour déçu, la stérilité et le divorce, les talents d’auteur,  compositeur, guitariste et chanteur, sont reconnus par ses pairs. Cependant, il faudra attendre 1974 et la composition de « Mabele », la terre en français, pour que Lutumba acquiert une réelle popularité. Ce franc succès provoque la colère de Franco qui craint qu’on ne lui fasse ombrage. Les années de vache maigre de Simaro Lutumba prennent fin en 1984 avec la parution de « Maya », un album rumba / soukouss interprété par le jeune Carlito Lassa qui le remet aussitôt sur le devant de la scène. En 1986, il écrit « Coeur artificiel », un thème sur les relations humaines, chanté en duo par Pépé Kallé et Carlyto Lassa.

De OK Jazz à Bana OK

Après la disparition de Franco survenue le 12 octobre 1989, le groupe décide, d’un commun accord avec la soeur du défunt, Marie Louise Akangana, de verser 30% des recettes aux héritiers qu’elle représente,  les 70% restants allant à l’administratif, aux techniciens et aux musiciens. Sous la présidence de Simaro, le TP OK Jazz réalise, entre 1990 et 1993, plusieurs spectacles et tubes;  mais des évènements douloureux  vont bientôt mettre un terme à cette harmonie, et Simaro Lutumba décide de mettre fin à sa collaboration avec le TP OK Jazz, après 37 ans de services dans cet orchestre. Le 30 janvier 1994, il fonde l’orchestre Bana OK – entendez les “enfants de l’OK (Jazz)- en compagnie de Josky Kiambukuta et Ndombe Opetum. Leur premier disque, Bakitani, est une reconnaissance  de l’héritage de Franco et du TP OK Jazz. Sortent ensuite  Cabinet Molili puis Faute ya commerçant, deux albums fidèles au style de Franco. Après la parution, en 1998, de Toucher jouer et Trahison (réalisé avec Pépé Kallé), Bana  OK fait une tournée en France et en Belgique). Lutumba Simaro Masiya reste un joyau élan, le patrimoine musical  de la Rd Congo. Il ne mourra  jamais.

Pacifique Muliri

 

 

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